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Quand les campagnes sont le jouet du climat

« Paysage d'hiver avec chutes de neige près d'Anvers », de Lucas Van Valckenborch, 1575.

Du XVIe au XIXe siècle, les campagnes françaises vivent un petit âge glaciaire et des variations pluviométriques intenses qui ont eu des effets très divers sur les récoltes.

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Le « réchauffement climatique » auquel on assiste depuis quelques décennies, a relégué dans l’histoire le « petit âge glaciaire » que le monde agricole a connu de 1550 à 1850. Dans la vulnérabilité conjoncturelle qui frappe les écosystèmes que les sociétés humaines ont généré depuis le Néolithique, alternent des périodes plus ou moins favorables.

L’idée d’un « petit âge glaciaire »

La mise en évidence de grandes séquences pluriséculaires, à l’aide d’indicateurs sériels comme les dates d’ouverture — les « bans » — de vendange, ou qualitatifs comme le mouvement des glaciers dans les Alpes, a permis d’étayer, depuis Emmanuel Le Roy Ladurie, l’idée d’un « petit âge glaciaire ».

Cependant, entre les données climatiques et les facteurs sociaux, il y a eu bien des interactions. Georges Pichard a reconstitué une longue série de dates de vendanges pour plusieurs villages du Bas-Rhône et du plateau de Valensole de 1500 à 1800. À l’issue de cet imposant travail, il constate une tendance au retardement de la récolte des raisins, qui correspond bien au recul des températures, quelle que soit la position géographique, avec une évidente précocité en altitude.

Le refroidissement aurait pu susciter une inflexion des pratiques sociales pour laisser mûrir plus longtemps le raisin. En dehors de ce débat, qui n’est point refermé, le niveau des précipitations joue un rôle important dans l’histoire de l’agriculture. Le fameux « petit âge glaciaire » ne saurait masquer l’intensité des variations pluviométriques. On le perçoit nettement dans la phase critique de cette période, entre 1680 et 1730.

Une véritable conjoncture « de chien », entre 1687 à 1700

À la fin du règne de Louis XIV, c’est sans doute la coexistence de la réduction de l’activité du soleil (marquée par la pénurie de taches solaires et le fléchissement des températures) et de l’accroissement des précipitations (de printemps et d’été) qui a entraîné, dans la moitié nord du royaume, une véritable conjoncture « de chien », entre 1687 à 1700.

En revanche, lors du brutal réchauffement qui s’ensuit, de 1702 à 1711, les excès pluviométriques entraînent en Provence une sévère crise environnementale : le ravinement bat son plein, faisant couler les sols des pentes et couvrant de graviers, les plaines et bassins. Alors, le delta du Rhône enregistre un alluvionnement et une croissance sans précédent ; ses « îlons » s’ouvrent désormais à la culture du seigle, dont l’envolée sur les courbes de productions est manifeste à l’ouest de la Durance, et notamment à Carpentras.

Pour le froment, la vigne, l’olivier et jusqu’aux effectifs des troupeaux, l’effondrement général de la production, à la fin du XVIIe siècle, tient à une dégradation de l’hydrologie générale, comme des températures. La gravité des événements climatiques est liée aussi aux défrichements, ces « rompudes » intempestives que les hommes infligent aux zones fragiles à la suite de la grande vague d’aliénations de biens communaux que l’on perçoit depuis le milieu du XVIIe siècle : un « forçage » humain qui place l’espace provençal à la merci des caprices du ciel.

À leur mesure, les agriculteurs ont donc modifié la nature, depuis plusieurs siècles. Mais dans un contexte hors de proportions avec l’époque actuelle.

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